La Plume naturaliste #2 « Les plantes médicinales »

La Forêt du Bourgailh est un Espace Naturel Sensible qui offre une multitude de milieux naturels ou semi-naturels dont la prairie humide du bassin d’orage de
Monbalon (voir carte). Une prairie humide est une zone plus ou moins inondable qui abrite majoritairement des espèces herbacées coutumières des cours d’eau (plantes hygrophiles sur plus de 80% de la surface). Il existe des prairies dîtes hygrophiles à bas niveau topographique et des prairies dîtes méso-hygrophiles à
hauts niveaux topographiques (moins souvent inondées). Ces prairies ont un rôle important dans la régulation des pics de crues, elles permettent d’influencer le débit du niveau minimal des cours d’eau (étiage) et évitent la pollution des nappes et cours d’eau en retenant et éliminant l’azote par exemple. Ce sont des joyaux en terme de diversité des espèces animales (limicoles, rapaces et passereaux spécialisés comme le tarier des prés, libellules, papillons…) et végétales avec des végétaux caractéristiques tels les renoncules, oenanthes, laîches, joncs, menthe aquatique, saules, valériane, reine des près… Ces dernières sont d’ailleurs connues pour leur potentiel médicinal. En réalisant un inventaire en 2016, Linda Pouchard, technicienne supérieure GPN, s’est penchée sur les « médicinales » de la prairie humide du bassin d’orage de Monbalon. Aujourd’hui il est temps de faire le point sur ces trésors.

PLANTES ET ARBUSTES À USAGE MÉDICINAL : UNE RICHESSE POUR LA PRAIRIE HUMIDE DU BOURGAILH ?

Est considérée comme plante médicinale, une plante (parfois un arbuste ou un arbre) dont tout ou une de ses parties présente des propriétés bénéfiques pour la
santé humaine et/ou animale. On retrouve des écrits sur l’utilisation de plantes médicinales vers 7000 av. J-C en Mésopotamie, puis un peu plus tard en Chine, et au fil des siècles à travers le monde (Grèce, Rome, Afrique, Amérique Nord et Sud…). Quelques exemples : l’oignon Allium cepa en antiseptique, la bruyère alluna vulgaris en diurétique, le radis noir Raphanus sativus var.niger en cholérétique… On dénombre en France plusieurs centaines de plantes à usage médicinal. Au
XIVème siècle, ceux que l’on nomme herboristes prescrivaient et préparaient les traitements adéquats. Mais, sous la pression des lobbys de la pharmaceutique, le
diplôme a été supprimé en 1941. La médecine s’empare de cette discipline sous la forme du métier de phytothérapeute, incluant une formation spécifique durant les études de médecines classiques. Ces dernières années, il existe un regain d’intérêt de la population pour cette médecine dite naturelle. Aussi, le métier d’herboriste réapparaît par le biais de formations privées mais non reconnues par l’État et liées à une obligation de travailler avec un phytothérapeute diplômé (souvent en officine). Depuis 2018, il existe cependant une dérogation de vente sans diplôme de 145 plantes, ce qui laisse peu de marge de manœuvre pour les herboristes.

Le bassin d’orage de Monbalon de la Forêt du Bourgailh présente les caractéristiques floristiques typiques des prairies humides avec notamment la présence de saules, de baldingère faux roseau, de renoncule âcre, de joncs, d’oenanthe faux boucage… En bordure, on trouve aussi tout un cortège de plantes au biotope typique des prairies telles luzerne, trèfle, plantain… Lors d’animations nature, j’ai remarqué que le public reconnaissait ce type de plantes et arbustes avant tout
pour leur valeur médicinale. C’est donc avec ces yeux que je vais tenter une analyse en partant de l’intérêt populaire pour ces espèces, pour ensuite rechercher leurs valeurs écologiques probables. Mon inventaire sur transect de 2016 au bassin d’orage faisait état de la présence de 38 plantes dans la partie prairie
proche de la rivière Peugue (voir carte). Parmi elles, on compte 8 plantes médicinales connues et reconnues, de l’achille millefeuille à la moutarde des champs. Je rappelle ici que la Forêt du Bourgailh est un Espace Naturel Sensible, il est donc strictement interdit de cueillir quoi que ce soit. Aussi, dans le cadre d’une valorisation de la prairie humide afin de mieux faire connaître les potentiels de cet ENS via une approche affective et de mieux les préserver, j’engage les hypothèses suivantes :
1) La présence de plantes médicinales apporterait un capital écologique.
2) Ces plantes médicinales auraient une valeur bio-indicatrice.
3) Ces plantes médicinales seraient un potentiel soutien mellifères pour les pollinisateurs.

Nom latin Capital écologique

(patrimoine)

Valeur bio-indicatrice Mellifère Propriétés médicinales

(exemples)

Achillea millefolium x Sol sec et peu calcaire Oui Anti-hémmoroï-daire, anti-inflammatoire…
Malva sylvestris x x Oui Pour les voies respiratoires…
Medicago sativa Valeur agricole Favorise la biodiversité (MNHN) et la qualité de l’eau (INRA) Oui Reminérali-sante et nutritive
Nigella damascena x x x Digestive, anti-oxydante…
Plantago lancéolata x Indice des flux d’activités pastorales x Pour les voies respiratoires…
Rubius caesius Plante hôte de nombreux lepidoptères Station riche, « berceau des chênes » Oui Anti-diarrhéique, anti-hémorragique…
Salix aurita x Pionnier Oui Fébrifuge
Sinapis arvensis x Envahit les sols calcaires Oui Apéritive, tonique…

 

Analyse du tableau:
– Seulement 2/8 espèces apportent un capital écologique notable.
– 6/8 espèces ont une valeur bio-indicatrice dont 2 ont fait l’objet d’études spécifiques.
– 6/8 espèces sont mellifères.

En réponse à mes hypothèses:
1 – Il semblerait que ces végétaux n’apportent pas de valeur écologique suffisante pour être remarquable, à la lueur des connaissances actuelles.
2 – La majorité de ces végétaux apporte une valeur bio-indicatrice à la prairie humide de Monbalon notamment sur la qualité du sol et par son impact positif sur
la biodiversité.
3 – La majorité de ces végétaux est un atout pour la pollinisation grâce à leurs propriétés mellifères (pollen, nectar…).

Conclusions :
Les plantes dîtes médicinales du bassin d’orage de Monbalon offrent une plus-value écologique grâce à leurs caractères bio-indicateurs divers (influences sur les
éco-systèmes) et leurs qualités mellifères propices au soutien à la biodiversité. L’importance de la conservation de ces espèces communes pourrait donc être mise
en avant lors d’évènements de découvertes ou de communication. Une étude des documents de recherches menées par le MNHN et l’INRA apporteraient des arguments solides quant à la préservation urgente de cette partie du site sujette à la pression croissante de plusieurs EEE.

MNHN : Muséum National d’Histoire Naturelle
INRA : Institut National de la Recherche Agronomique
EEE : Espèce Exotique Envahissante (ex : jussie, renouée du Japon, Écrevisse de Louisiane…)

Rédaction, photographie et carte : Linda Pouchard
Photographie : Achille millefeuille Achillea millefolium

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